Je livre à l'état brut un arrêt que je ne comprends pas au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation telle qu'elle ressort d'un arrêt publié de janvier 2016...

La teneur de cet arrêt est la suivante (Civ. 2e, 7 avril 2016, n° 15-14154, Non publié au bulletin) :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 6 mars 2014 et 4 décembre 2014), que M. X... ayant formé à l'encontre de la société Sogessur une demande d'exécution d'un contrat d'assurance et de paiement de dommages-intérêts, a relevé appel le 7 janvier 2013 du jugement ayant déclaré sa demande irrecevable comme prescrite ; que M. X... a formé une seconde déclaration d'appel le 16 avril 2013 ; qu'il a ensuite déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de la première déclaration d'appel et déclaré irrecevable la seconde ; qu'après avoir constaté, dans un premier arrêt, que l'instance se poursuivait sur le second appel, la cour d'appel a, dans un second arrêt, statué au fond ;

Sur le premier moyen dirigé contre l'arrêt du 6 mars 2014 :

Attendu que la société Sogessur fait grief à l'arrêt de la débouter de la fin de non-recevoir qu'elle a invoquée à l'encontre du second appel formé par M. X..., alors, selon le moyen, que si la caducité de la déclaration d'appel ne fait pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance en appel tant que le délai de recours n'est pas expiré, la seconde déclaration ne saurait cependant intervenir avant que le dessaisissement de la cour d'appel du fait de la caducité de la première déclaration ne soit expressément constaté ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 385 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le délai d'appel n'était pas expiré, la cour d'appel a à bon droit décidé que le second appel formé par M. X..., peu important qu'il ait été interjeté alors que la caducité de la première déclaration d'appel n'avait pas été prononcée, était recevable ;

 

Je veux croire à l'arrêt d'espèce, ou à un accident.

Cette décision me paraît difficilement conciliable avec l'arrêt de janvier 2016 dont il a été question ici.

Un loupé ?

Comment, dans le même cas de figure, la Cour de cassation peut dire que le second est privé d'effet tout en estimant qu'il est recevable ???

Quelque chose m'échappe et je suis ouvert à toute explication.

Notons tout de même que cet arrêt n'est pas publié, contrairement à celui de janvier 2016.

Le décret de procédure à venir règlera-t-il la question ? Probablement... espérons-le tout au moins. Et cet arrêt d'avril 2016 sera alors vite oublié, tombé dans les oubliettes. Je préfère d'ailleurs d'ores et déjà l'oublier, comme on met de côté un casse-tête qui nous résiste, ne parvenant pas à le comprendre...

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

À première lecture, cet arrêt est frappé au coin du bon sens : quand un appel est caduc, il est caduc, même si la caducité n'a pas été constatée par la cour.
Il n'est donc pas possible de dire qu'il y a litispendance entre la procédure introduite par le second appel et celle introduite par le premier, et le second appel est recevable.
C'est ce qui permet, par substitution de motif, de justifier l'arrêt du 21 janvier 2016 qui avait cru devoir introduire une notion de "privation d'effet" inconnue du code de procédure. "Privée d'effets", cela voudrait dire toute nue, me semble-t-il, mais "privée d'effet" ?

Nous avons vu la cour d'appel de Paris déclarer irrecevable un deuxième appel d'un jugement de divorce effectué, toujours dans le délai d'appel, quelques jours après une première déclaration d'appel, hâtivement limitée à la prestation compensatoire:
"Le premier appel, recevable, a fixé l'étendue de la dévolution du litige; cette saisine initiale ne peut être élargie par l'appelante, seul un appel incident pouvant élargir l'objet du litige; il en résulte que l'appelante n'est pas recevable à former un deuxième appel pour élargir le champ de ses demandes."
Ne cherchez pas le texte de loi appliqué : Quia ego nominor leo.

Mon cher confrère,

Merci de vote commentaire et de voter réflexion.
D'après ce que j'ai pu entendre, il se confirmerait qu'il s'agit d'un arrêt isolé, de telle sorte que la jurisprudence à retenir serait bien celle issue de l'arrêt, publié, de janvier 2016.
La Cour de cassation publiera peut-être à nouveau le prochain arrêt qu'elle rendra sur cette question, ce qui confirmera effectivement que cette décision d'avril 2016 ne vaut rien.

Votre bien dévoué,

Christophe Lhermitte

Mon Cher Confrère,

J'observe une différence entre les 2 affaires, mais elle me paraît révéler en réalité ... un paradoxe.

En effet, dans cet arrêt, la 2e déclaration d'appel a été formée après l'expiration du délai de 3 mois pour conclure par rapport à la 1ère DA, de sorte que même si la caducité n'était pas prononcée, elle était acquise.

Au contraire, dans l'arrêt du 21 janvier 2016, la 1ère DA datait du 13 janvier 2012 et la 2e DA du 25 janvier 2012.

Faut-il en déduire que lorsqu'un appel est en cours et que la caducité n'est pas acquise, une 2e déclaration d'appel est "sans effet", tandis qu'au contraire, lorsque la caducité de la 1ère déclaration d'appel est acquise, une 2e déclaration d'appel est recevable (si le délai d'appel n'a pas expiré entretemps) ... ?

Concrètement, cela signifie que la partie qui "oublie" de conclure dans le délai de 3 mois peut échapper à la sanction en formant une 2e DA (si le délai d'appel n'a pas couru), tandis que celui qui, pour raisons X ou Y, a fait 2 déclarations d'appel, se voit sanctionner de faire le choix de conclure sur la 2e DA mais pas sur la 1ère !!

Je vous laisse méditer ... et vous remercie, en tout état de cause, pour votre veille et tous vos précieux commentaires à propos de la procédure d'appel.

VBD