La jurisprudence en matière d'ordonnance sur requête n'est pas particulièrement abondante.

Mais il est vrai aussi que ces procédures ne sont pas non plus extrêmement courantes, et pour cause.

Pour rappel, la Cour de cassation s'était récemment prononcée sur la compétence en la matière, excluant la double condition du lieu de l'exécution de la mesure et du juge compétent au fond.

Il s'agit ici d'autre chose.

Précisons que la procédure sur requête permet à une partie d'échapper à la contradiction, en obtenant du juge qu'il statue sans connaître la position de la partie adverse, et donc sur la seule argumentation du requérant.

Pour cette raison, l'ordonnance sur requête est susceptible d'un déféré rétractation, par celui auquel cette ordonnance fait grief. Ce "recours" permet d'introduire de la contradiction.

Cette ordonnance sur requête est exécutoire sur minute (CPC, art. 495, al. 2).

Surtout, et c'est ce qui nous intéresse ici, c'est l'alinéa 3 de l'article 495 qui prévoit que "copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée".

En l'espèce, c'est la copie de la requête qui posait difficulté, la preuve n'étant pas apportée que l'huissier y ait procédé. Pour ce motif, la décision est cassée.

Il est important que celui auquel on oppose une ordonnance obtenue sans qu'il puisse faire valoir sa position, puisse avoir connaissance de ce qu'était l'argumentation de l'adversaire. Autrement, il pourra être difficile pour lui de demander la rétractation de l'ordonnance.

D'autre part, est également sanctionné le juge qui ne faisait que renvoyer à une requête qui ne précisait pas en quoi il était justifié de ne pas mettre du contradictoire dans cette procédure. La contradiction étant le principe, l'exception doit être exceptionnelle, et justifiée par des circonstances particulières.

Un arrêt (Civ. 2e, 23 juin 2016, n° 15-19671, Publié au bulletin) qui ne mérite à mon avis aucune critique, en ce qu'il protège les droits de celui auquel est opposée une ordonnance obtenue sans qu'il ait eu son mot à dire.

"Vu les articles 145 et 495, alinéa 3, du code de procédure civile ; 

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 24 octobre 2012, l'arrêt retient que l'huissier de justice a signifié à la société Too Faire le 28 mars 2013 à 7 heures 40, par dépôt en son étude, copie de l'ordonnance et de la requête et exécuté le même jour la mission, assisté d'un expert-comptable, de deux gendarmes, d'un informaticien et d'un serrurier ; 

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater qu'indépendamment de la signification de l'ordonnance, copie de cette dernière et de la requête avait été laissée à un représentant de la société Too Faire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche : 

Vu les articles 145 et 493 du code de procédure civile ; 

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 24 octobre 2012, l'arrêt retient que la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire a été appréciée eu égard au risque de déperdition des preuves en cas de débat contradictoire préalable ; 

Qu'en statuant ainsi, alors que la requête ne faisait état d'aucune circonstance susceptible de justifier qu'il soit procédé non contradictoirement et que l'ordonnance n'était motivée que par renvoi à la requête, la cour d'appel, qui ne pouvait suppléer la carence de motivation du juge des requêtes, a violé les textes susvisés ;"

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour Christophe,

Au delà de tes paragraphes en gras, c'en est un autre qui m'interpelle : "la cour d’appel, qui *ne pouvait suppléer la carence de motivation du juge des requêtes*, a violé les textes susvisés"

L'ordonnance... de référé rétractation ou l'ordonnance sur requête ?

La cour d'appel n'est pas censée statuer sur la motivation de l'ordonnance sur requête, mais sur la motivation de l'ordonnance de référé rétractation. Or, dans la phrase "l’ordonnance n’était motivée que par renvoi à la requête", je pense qu'on parle bien de l'ordonnance sur requête qui renvoie à la requête (puisqu'au surplus on parle de carence de motivation). Du coup, je ne comprends pas la motivation de l'attendu.

Serais-je trop fatigué pour comprendre ?