En v'là une question qu'elle est intéressante !

Et si j'en parle sur ce blog, c'est parce qu'un confrère pour lequel je suis le postulant m'a interrogé sur ce point.

Alors, que faisons-nous de nos actes de procédure ? On met ou on met pas que la partie peut se faire représenter par un avocat mais également par un défenseur syndical ?

En ce qui me concerne, je ne m'étais jusqu'alors pas posé réellement la question.

Ou si peu, et si rapidement, que j'avais opté pour la solution de facilité consistant à ne pas modifier mes actes.

Mais le débat est relancé grâce à notre confrère.

 

Précisons tout d'abord que la procédure d’appel ne prévoit pas l’assignation de la partie défaillante, mais uniquement de lui signifier la déclaration d’appel et les conclusions. Cela est parfois oublié, et je renvoie au besoin à un excellent article paru dans Dalloz Avocats (D. avocats 2014. 117) intitulé "Où est passée l'assignation dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile?" (les amateurs de bons films feront évidemment le rapprochement avec cet incontournable du cinéma français... et l'article en question étant suivi d'un "On a retrouvé l'assignation dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile"... oui, il a osé... et en plus, c'est cité en bibliographie sous l'article 911 du CPC éditions Dalloz).

 

la procédure d’appel ne prévoit pas l’assignation de la partie défaillante

 

Cela étant, pour des raisons tenant au principe de loyauté, lorsque j'avais créé l'acte de procédure pour le cabinet à l'occasion de l'entrée en vigueur du décret Magendie, je l'avais établi comme une "assignation et signification de déclaration d'appel et de conclusions" (j'avais rien trouvé de mieux comme libellé à l'époque...), tout en sachant que la partie assignation n'était pas requise.

Nous avons donc - et le coût étant le même, voire inférieur… - également assigné la partie à laquelle nous signifions les conclusions dans les conditions de l'article 911. D'ailleurs, nombreux sont les avocats qui ont repris cette pratique des anciens avoués consistant à assigner et à signifier conclusions et déclaration d'appel dans le même acte.

Par conséquent, l’acte que le décret du Magendie oblige à signifier ne relève pas de l’article 56 du CPC.

 

l’acte que le décret du Magendie oblige à signifier ne relève pas de l’article 56 du CPC

 

Ce n'est pas, en principe, un acte d'assignation, mais un acte de signification de conclusions.

 

Mode digression ON... Pour la petite histoire, j'ai vu, lorsque je suis entré dans la profession d'avoué, des confrères effectuer des "significations de conclusions", sans assigner, à des parties défaillantes, alors qu'en l'espèce cet acte n'était pas prévu par le CPC, et que, surtout, le Code imposait au contraire un acte d'assignation... Personnellement, je me refusais à faire mienne cette pratique douteuse, contraire aux dispositions des articles 550 et 68.

Mais revenons à ce qui nous intéresse. Nous disions donc qu'il n'y avait pas lieu à assigner. Dès lors, il n’y a pas lieu de se conformer aux dispositions de l’article 56.

 

Donc pas de mentions particulières pour la signification des conclusions, quand bien même cette signification est doublé d'un acte d'assignation superfétatoire.

Et pour la signification de la déclaration d'appel, il faut se référer l’article 902. Cette disposition n’a pas été modifiée avec l’entrée en vigueur du décret de mai 2016, et oblige seulement à indiquer que la partie dispose d’un délai de quinze jours pour constituer avocat.

Peut-il être fait reproche à l'appelant de signifier la déclaration d'appel en n'indiquant pas que la partie peut également se faire représenter par un défenseur syndical ?

Au regard de la rédaction de l'article 902, j'en doute.

Il n'y a pas de nullité sans texte, et il n'est pas prescrit à peine de nullité que l'acte de signification - qui rappelons-le n'est pas un acte d'assignation - doit indiquer que la partie peut être représentée par un défenseur syndical. L'article 902 n'est pas rédigé comme l'article 56, et n'exige pas "indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaitre, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire".

 

l'article 902 n'exige pas "indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaitre, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire"

 

Au surplus, quand bien même cette mention devrait être indiquée que la sanction relèverait de la nullité, pour vice de forme. Cela obligerait la partie à démontrer l’existence d’un grief, et à soulever la nullité de l’acte avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Concernant le grief, il pourra être difficile à démontrer, et supposerait en tout état de cause que la partie n’ait pas constitué et n’ait pas conclu dans son délai.

Même si une partie n'est pas informée qu'elle peut être représentée par un défenseur syndical, il est précisé qu'elle doit constituer avocat. Elle devait donc à tout le moins contacter un avocat, lequel aurait pu alors lui préciser que le défenseur syndical pouvait aussi la représenter.

Si elle n'a pas contacté un avocat dans le délai de quinze jours, elle n'aurait pas davantage contacté un défenseur syndical dans ce même délai.

 

Cela étant, il reste possible d'indiquer à la partie qu'elle dispose de cette possibilité.

A l'avenir, il est probable que j'ajouterai cette mention dans les actes, et je remercie le confrère de m'avoir interpelé sur ce point.

Mais je le ferai en sachant que rien ne m'y oblige... en l'état des textes... et de la jurisprudence...

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour,

Hormis le fait qu'il n'y a pas de nullité sans texte, l'article 902 impose une constitution d'avocat et ne laisse place à aucune interprétation.

Je ne prendrai pas le risque d'interpréter le texte.

D'autant plus que vu la complexité de la procédure, nombre de défenseurs syndicaux ne sont pas autorisés par leurs syndicats à aller en appel et côté employeur, peu d'organisations patronales sont pourvues de défenseurs syndicaux.

Cordialement

Bonjour,

Nous voyons tout de même des défenseurs syndicaux aller en appel.

Et nous voyons désormais les incidents de procédure qui commencent à tomber. Cela me navre véritablement car ce défenseur syndical n'a pas été informé des risques de la procédure d'appel, qu'il découvre maintenant, sans vraiment comprendre ce qui lui arrive.

La Loi lui en a donné la possibilité, mais sans que personne ne l'alerte sur la complexité de la procédure.

Il faudrait que les syndicats prennent conscience de cette complexité de la procédure d'appel, et mettent en garde les défenseurs syndicaux.

Peut-être est-il préférable, pour le salarié, qu'il y ait un avocat qui connaisse la procédure d'appel, au côté du défenseur syndical qui continuera d'assister le salarié, dans la rédaction des écritures notamment, en collaboration avec l'avocat quant au formalisme imposé.

C'est plus cher, certes, mais cela vaut toujours mieux qu'une action en responsabilité.

Cordialement,

CL

Bonjour

Nous voyons des avocats aller en appel et des incidents de procédure qui tombent également.

On a supprimé les avoués et imaginé que les avocats en droit du travail étaient compétents en procédure.

Si des avocats font appel à des anciens avoués pour leur procédure c'est bien pour éviter ce risque.

Enfin le risque c'est la caducité parce que l'irrecevabilité est rattrapable avec l'article 2241 du Code civil. Ainsi au début de la réforme, de nombreux défenseurs syndicaux ont interjeté appel par lettre recommandée alors qu'ils devaient se déplacer en personne.

Concernant l'assistance de le partie adverse par un défenseur syndical, je cite finalement uniquement l'article, me gardant bien d'en commenter les éventuels effets.

Cordialement

Bonjour,

La nullité peut être rattrapé, pas l'irrecevabilité qui est très souvent catastrophique pour la partie. Et le décret du 6 mai 2017 n'a pas allégé la sanction.

La complexité de la procédure d'appel est de nature à marquer le retour des "avoués", ce qui est un peu paradoxal tout de même.

En tous les cas, la procédure retrouver ses marques de noblesse, et de cela, nous n'allons pas not en plaindre.

Les avocats doivent déterminer et accepter leurs limites, et savoir passer la main au bin moment (perso, si un client aborde un domaine que je ne connais pas, comme le droit administratif, je dirige vers une consoeur avec laquelle je travaille de manière habituelle, et cette consoeur en fait autant en sens inverse).

Cordialement,

CL

Mon cher Christophe.

Dans la série titre de film qui s´impose eu égard à la question soulevée, je propose : " Les dix Commandements " avec comme principe celui selon lequel ce qui n´est pas inscrit dans les tables de la loi ne s´applique aux pauvres pêcheurs en procédure que nous sommes. :-)

Je partage effectivement ton avis, pas de nullité sans texte.

Le législateur qui s´est encore une fois distingué par son manque de rigueur n´avait qu´à prévoir une modification des textes relativement au choix ouvert quant au mode de représentation en matière sociale devant la Cour. Car dans les faits, ce défaut de mention quant au choix offert handicape encore un peu plus le justiciable déja bien entravé par les décrets Magendie.

J´en profite au pssage pour rappeler un arrêt récent de la Cour de cassation qui rejette une demande de révocation de la clôture à un intimé n´ayant pas constitué dans le délai de 15 jours devant la Cour et ce alors même que son délai article 909 n´était pas expiré! Quand il n´y en a plus, il y en a encore.

Là je propose, " C´est pas parce qu´on a rien à dire qu´il faut......" avec les excellents Bernard Blier, Michel Serrault et Jean Lefevbre ( pas celui des Editions....l´autre, bien plus drôle)

Bien à toi.

Farid

Entièrement d'accord.

Je soupçonne les avoués d'être à l'origine de la complexité de la procédure d'appel. Y'a bien qu'eux qu'ça fait marrer ! ;-)

Bien à toi,

Christophe