On ne peut pas dire que la jurisprudence en matière de communication électronique, et plus précisément de cause étrangère, soit abondante.

Mais j'en tiens une, et je vous en fais profiter.

Comme dans toute histoire, ça commence par un "il était une fois".

Donc, il était une fois un avocat qui avait fait appel.

Mais n'ayant pas de clé valide, il avait remis ses conclusions au greffe... par télécopie.

Et comme dans toute histoire, il y a un méchant, que je vais incarner.

Voilà donc que le méchant de l'histoire soulève l'irrecevabilité des conclusions ainsi remises, invoquant les articles 908, 930-7 930-1 et 748-7 du CPC. Bref, le trousseau de base en la matière.

Je passe - car je me les garde - sur les divers moyens développés dans le cadre de cet incident.

Le Conseiller de le mise en état admet le moyen principal.

Retenant que l'avocat n'avait pas de clé active, il considère néanmoins que la cause étrangère n'est pas démontrée (Rennes, 2e, 27 janvier 2017, R.G : 16/04283, réf. cabinet n° 101636) :

Pour soutenir la validité de la transmission par télécopie, M. B... fait valoir que son conseil n’a pu notifier ses conclusions par RPVA faute de clé RPVA active.

S’il ressort des correspondances électroniques produites que le conseil de M. B... a informé ses confrères le 29 août 2016 de ce que sa clé
d’activation RPVA ne fonctionnait plus, il n’est pas justifié de ce que cette désactivation soit la conséquence d’une difficulté technique échappant au conseil étant relevé que suivant la correspondance électronique du prestataire en date du 5 septembre 2016 la commande d’une nouvelle clé avait été passée dès le 2 juin 2016 ce qui tend à établir que la demande de nouvelle clé est indépendante de tout dysfonctionnement de l’ancienne ; ce bon fonctionnement est en l’espèce confirmé par le fait que la commande d’une nouvelle clé a été passée le 2 juin 2016 à 9 h 44 alors que le présent appel a été formé par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 2 juin 2016 à 17h18.

En considération de ces éléments, il n’est pas justifié d’une cause étrangère au sens de l’article 930-1 du code de procédure civile permettant à l’appelant de s’exonérer de l’obligation de notifier ses conclusions par voie électronique ;

 

Comme je l'avais plaidé, la cause étrangère doit avoir un caractère imprévisible. Aucune imprévisibilité n’était en l'espèce rapportée, sachant que l’avocat doit commander sa clé en temps utile. De sorte que seule une clé qui tombe en panne est imprévisible, la date d’expiration étant quant à elle connue et donc prévisible.

En conséquence de quoi, la caducité a été prononcée, en absence de conclusions recevables dans le délai de l'article 908 du CPC.

 

Ordonnance inattendue ?

Pas vraiment.

Et si ce moyen n'était pas passé, un autre aurait été retenu, je pense.

 

Finalement, cette histoire se termine mal, contrairement à celle que nous racontons... encore qu'elle se termine bien pour moi.

 

Pour info, il s'agissait d'un "petit dossier", celui dans lequel on se dit que l'on peut se passer d'un spécialiste pour l'appel.

Car c'est un discours que l'on entend parfois. Je prends un ancien avoué dans les dossiers complexes, car dans les autres, avec deux parties, ça ne pose pas de difficultés.

C'est oublier que les incidents ont lieu dans tous les dossiers.

La majorité des accidents de la circulation n'arrive pas à des kilomètres de chez soi, mais à moins de 3 kilomètres.

Pour la procédure d'appel, c'est pareil. Les incidents arrivent souvent alors que le terrain est balisé, connu. L'excès d'assurance engendre une vigilance moindre, une prudence moindre.

Mais l'accident comme l'incident est partout.

C'était un message de promotion des avocats anciens avoués  ;-))

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour Corinne,

J'ai dû anticiper la réforme de 2035 sur la communication obligatoire par voie télépathique :-)

Il me semble bien que je l'ai zappé cet arrêt de 2014, car il ne me dit rien. Merci pour l'info.

La Cour de cassation en avait rendu un, non publié, que j'avais trouvé assez (trop ?) souple.

Il ne me choque pas d'exiger de l'avocat qu'il dispose d'un accès électronique pour communiquer de manière électronique, ce qui est la règle.

Sinon, on va plus loin et on admet que l'avocat peut aussi se dispenser d'une remise papier s'il n'a plus de papier au bureau (j'ai préféré opter pour le terme "bureau" plutôt que celui de "cabinet"...).

Bonne journée,

C.

Bonjour Christophe

C'est 930-1 (coquille).

Il y avait déjà celui-là:
La distraction de l’avocat n’est pas une cause étrangère au sens des articles 748-7 et 930-1 du CPC ! (Cass. 2e civ., 13 nov. 2014, n° 13-25035, NP :)

Merci pour l'ordonnance.