L'erreur est souvent faite de vouloir appliquer des délais de distance de l'article 911-2 à une partie qui n'en bénéficie pas.

Et cette erreur résulte d'une espèce de logique qui voudrait que celui qui doit signifier un acte à l'étranger devrait disposer d'une temps augmenté.

Mais tel n'est pas le cas, comme le rappelle la Cour de cassation...

... dans cet arrêt publié du 7 septembre 2017 (Civ. 2e, 7 septembre 2017, n° 16-15700, Publié au bulletin) :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 février 2016), que M. X..., demeurant à Toulouse, a interjeté appel d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse dans un litige l'opposant à la Société d'économie mixte d'aménagement de Fort-de-France dont le siège est à la Martinique ; qu'avisé le 5 mai 2015 par le greffe de la cour d'appel d'avoir à signifier la déclaration d'appel à l'intimée non constituée, M. X... a procédé à cette signification le 9 juin 2015 ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel, alors, selon le moyen :

1°/ que le délai d'un mois prévu à l'article 902, alinéa 3, du code de procédure civile pour signifier la déclaration d'appel à la partie qui n'a pas constitué avocat est augmenté d'un mois lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, pour les parties qui demeurent à la Martinique sans distinction selon qu'il s'agit de l'appelant ou l'intimé ; qu'en l'espèce, le délai de distance devait bénéficier à M. X... lequel domicilié en France métropolitaine, devait signifier la déclaration d'appel à une partie domiciliée à la Martinique ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 902, alinéa 3, et 911-2 du code de procédure civile ;

2°/ qu'à supposer que le délai de distance applicable en matière de signification de la déclaration d'appel ne puisse bénéficier qu'aux parties appelantes non domiciliées dans le même ressort géographique que la juridiction saisie, cette rupture d'égalité dans les conditions d'exercice de l'appel entre les parties confrontées à la même difficulté résultant de l'éloignement de leur contradicteur, est exclusive de la caducité de l'appel lorsque la signification de la déclaration d'appel est bien intervenue dans ce délai de distance ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a méconnu le principe de l'égalité des armes et le droit à un procès équitable en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la cour d'appel, retenant à juste titre que l'article 911-2 du code de procédure civile n'institue aucune discrimination ou différence de traitement entre les justiciables dès lors qu'il est applicable devant toutes les cours d'appel, qu'elles soient situées sur le territoire métropolitain ou dans les territoires ou départements d'outre-mer énoncés à cet article, et que l'allongement de délai s'applique aux délais impartis tant aux appelants qu'aux intimés, et ce en fonction de leur situation géographique par rapport à la cour d'appel saisie, en a exactement déduit, sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le délai prévu à l'article 902, alinéa 3, du code de procédure civile étant augmenté d'un mois pour les appelants qui résident à la Martinique dès lors que la juridiction saisie a son siège en Métropole, M. X... qui se trouvait, comme la cour d'appel saisie, sur le territoire métropolitain, ne pouvait bénéficier de l'allongement du délai prévu par le texte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

L'appelant ayant son domicile sur le territoire de la juridiction, il ne bénéficiait d'aucun délai supplémentaire pour signifier la déclaration d'appel en Martinique.

Il en aurait été différemment si l'appelant demeurait en Martinique, et s'il devait notifier son acte de procédure à une partie demeurant en France.

Il est vrai que la logique peut échapper à l'entendement, car dans les deux cas, il faut signifier un acte à une partie ne résidant pas "sur place".

A n'en pas douter, l'application de l'article 911-2 continuera de poser problème, et des avocats continueront de se tromper.

D'ailleurs, il y a peu, j'avais été interrogé par une consoeur pour un problème identique, le greffe lui-même ayant donné un délai de trois mois dans son avis 902 pour signifier la déclaration d'appel à une partie résidant à l'étranger...

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Cher confrère,

A mon avis le délai à distance ne trouve pas son fondement dans la distance entre la personne qui doit signifier et la personne à laquelle on signifie. Il est du au fait que la personne à l'étranger ou hors Métropole doit trouver un professionnel proche de la juridiction saisie pour procéder aux démarches procédurales. Et cette recherche est très difficile quand on est à l'étranger (d’où les deux mois) - un peu moins quand on est hors Métropole car au moins la langue et le système juridique sont identique.

Votre bien dévouée
Dr. Jutta LAURICH
Avocat - Rechtsanwältin

Ma chère consoeur,

Entièrement d'accord.

Votre bien dévoué,

CL

J'ai une question concernant une situation un peu différente que je n'arrive pas à résoudre malgré l'arrêt que vous citez judicieusement.
En l'occurence, c'est l'appelant demeurant à l'étranger qui a signifié sa déclaration d'appel (incident ) à l'intimé domicilié en France dans une affaire pendante devant la cour d'appel de Paris : est-ce qu'il bénéficie d'un délai supplémentaire de distance ?

Je vous serais très reconnaissante de votre réponse précieuse. merci d'avance

Bonjour,

L'appelant étant domicile à l'étranger, il profite des délais de distance.

Cordialement,

CL

Ma chère consoeur,

C'est bien cela. C'est celui qui a son domicile à l'étranger qui bénéficiera d'une augmentation son délai pour conclure.

Et merci pour votre retour.

VBD

CL

Bonsoir

Vous dites " Il en aurait été différemment si l’appelant demeurait en Martinique, et s’il devait notifier son acte de procédure à une partie demeurant en France."

Est-ce vraiment différent lorsque les deux parties résident hors Métropole mais que la juridiction saisie se trouve en Métropole?

Je vous remercie par avance de votre éclairage.

Mon Cher Confrère,
L'article 911-2 précise que le délai de distance s'applique lorsque l'appelant demeure à l'étranger.
Si je comprends bien l'arrêt de la Cour de cassation, un intimé demeurant à l'étranger peut tout de même bénéficier de deux mois supplémentaire pour conclure lorsque l'appelant et la Cour d'appel sont en France ?
Je vous avoue y perdre mon latin !!
Je vous remercie par avance de votre réponse et vous remercie si vivement pour les précieux conseils que vous nous prodiguez dans chacune de vos diffusions.
Votre Bien Dévouée,

Bonjour Maître,

Etan novice, quand vous dites "C’est celui qui a son domicile à l’étranger qui bénéficiera d’une augmentation son délai pour conclure."

Mais, s'agit t-il d'un domicile élu de celui d''un avocat en France, ou du domicile réel en France ?
Si j'ai bien compris, pour chaque déclaration, la partie initiatrice doit aussi transmettre son Kbis à ses contradicteurs, qu'il lui a loyalement transmis les informations permettant le juste échange de pièces contradictoires.

Merci pour vos réponses.