Dans une affaire devant la cour d'appel, la partie appelante fait signifier ses conclusions à l'intimé défaillant.

Cet intimé constitue avocat et conclut au fond, mais, selon l'appelant, après l'expiration du délai de deux mois de l'article 909.

L'appelant introduit donc un incident d'irrecevabilité de l'appel.

Pour s'opposer à cette irrecevabilité, l'intimé argue de la nullité de l'acte d'huissier au motif qu'il n'aurait pas procédé aux diligences suffisantes pour délivrer l'acte.

Par arrêt sur déféré, la Cour d’appel de Paris a réformé l’ordonnance de mise en état.

Elle a prononcé la nullité de la signification des conclusions du 24 juin 2014 et déclaré recevables en conséquence les conclusions de l’intimé du 21 mars 2016, estimant que le délai de l’article 909 n’avait pas couru.

En conséquence de cette nullité, la Cour d'appel a d’office relevé la caducité de l’appel, et a invité les parties à faire valoir leurs observations sur ce moyen relevé d’office. Pour la Cour d’appel, la nullité de l’acte de signification entraîne la caducité de l’acte d’appel.

La Cour de cassation ne se prononcera pas sur les conséquences de la nullité de l'acte de signification sur la caducité de l'acte d'appel. Il faudra attendre une autre occasion pour qu'elle le fasse.

Mais l'arrêt e cassation rendu est néanmoins très intéressant, et retiendra l'attention des praticiens de la procédure d'appel.

Dans cette affaire, il existait une autre difficulté, sur laquelle la Cour de cassation ne se prononcera pas, à savoir celle du grief.

En effet, lorsque l'avocat a notifié son acte de constitution, il était encore dans les délais pour conclure. Vraisemblablement, l'intimé a loupé son délai et a tenté de se rattraper en soulevant la nullité de l'acte lorsque l'appelant lui a opposé l'irrecevabilité de ses conclusions.

Mais ce n'est pas sur ce point que la cassation intervient.

Pour la Cour de cassation, "en accueillant l'exception de nullité de la signification des conclusions de l'appelant alors qu'elle avait constaté que l'intimé avait préalablement fait valoir sa défense au fond, la cour d'appel a violé" les articles 74 et 112 du Code de procédure civile (Civ. 2e, 1er février 2018, n° 16-27322, Bull. civ.).

en accueillant l'exception de nullité de la signification des conclusions de l'appelant alors qu'elle avait constaté que l'intimé avait préalablement fait valoir sa défense au fond, la cour d'appel a violé

Ce rappel est évident : les nullités pour vice de forme doivent être soulevées "in limine litis". Ce qui l'est moins, c'est que la Cour de cassation oblige la partie à soulever cette nullité avant même que ne soit opposée l'irrecevabilité des conclusions.

Or, la partie intimé n'avait aucune raison a priori de conclure à la nullité d'un acte puisqu'elle avait constitué avocat et avait conclu au fond. Si ni l'appelant ni le conseiller de la mise en état n'avait soulevé l'irrecevabilité de ses conclusions, tout se serait déroulé sans encombre.

Et on peut comprendre qu'un intimé ne souhaite pas introduire de nullité d'un acte de signification tant que personne ne lui faire le moindre reproche : il attend d'être attaqué pour se défendre, au besoin par ce moyen de nullité.

Mais ce n'est pas ainsi qu'il faut appréhender les règles de nullité pour vice de forme.

Il appartenait à la partie de soulever la nullité de cet acte de signification, quand bien même l'appelant ne soulevait pas l'irrecevabilité de ses conclusions.

L'intimé ne peut donc opter pour un rôle discret, histoire de passer entre les gouttes.

Il doit immédiatement prendre position et attaquer l'acte de signification.

S'il ne le fait pas, il sera trop tard pour le faire en défense dans le cadre d'un incident d'irrecevabilité des conclusions.

L'intimé doit immédiatement prendre position et attaquer l'acte de signification, faute de quoi il sera trop tard pour le faire en défense dans le cadre d'un incident d'irrecevabilité des conclusions

Pour cette raison, cet arrêt ne doit pas passer inaperçu, car il en va de la responsabilité de l'avocat.

En l'espèce, le conseil de l'intimé, qui avait obtenu un arrêt de caducité, se re trouve désormais muet devant la juridiction de renvoi, sans pouvoir se prévaloir d'un acte dont la nullité aurait pu être encourue.

 

Pour être complet, il est précisé que le premier arrêt sur déféré, sur la nullité de l'acte de signification, n'était pas susceptible d'un pourvoi immédiat puisqu'il ne mettait pas fin à l'instance.

Le pourvoi, différé, a donc été fait avec l'arrêt qui a prononcé la caducité de l'appel. Au passage, paradoxalement, il était dans l'intérêt de l'appelant que la Cour retienne cette caducité, pour pouvoir déférer plus rapidement cet arrêt sur déféré et celui ayant mis fin à l'instance par la caducité.

La cassation du premier arrêt entraîne par voie de conséquence l'anéantissement de l'arrêt sur caducité.

La cassation du premier arrêt entraîne par voie de conséquence l'anéantissement de l'arrêt sur caducité

 

Et maintenant, que va-t-il se passer ?

La procédure a se poursuivre devant la juridiction de renvoi.

L'appelant va donc pouvoir se prévaloir de l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé sur le fondement de l'article 909.

Devant la juridiction de renvoi, la procédure se poursuivra donc avec un intimé muet et sans pièces.

Devant la juridiction de renvoi, l'appelant pourra se prévaloir de l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé qui deviendra donc muet et sans pièces après avoir profité, provisoirement, d'une caducité

Quel retournement pour une partie qui, l'space d'un instant, a profité d'une caducité !

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour,

Mon avocat, désigné pour me défendre sous aide juridictionnelle a rendu ses conclusions trop tard et l'appel que j'avais introduit a fait l'objet d'une décision de caducité, existe-t-il un moyen de me défendre ou ma cause est-elle perdue par cette faute de mon défenseur ?

Merci d'avance de votre réponse.

Bonjour,

Je ne peux pas vous répondre précisément.

Mais si votre avocat a effectivement commis une erreur, il pourra vous l'expliquer. Ça arrive à tout le monde de commettre des erreurs, et c'est pour cela qu'il y a des assurances.

Cordialement,

CL

Bonjour,

La caducité est un incident d'instance mettant fin à l'instance.

IL n'a pas à être soulevé "in limite litis" même s'il a pu être jugé le contraire... J'ai rédigé un article dans la Gazette du Palais justement pour commenter une ordonnance aberrante qui avait dit le contraire. Ca devait être en 2014 de mémoire.

Je fais également état de cette question, il me semble, dans l'ouvrage Procédures d'appel.

Cordialement,

CL

Cher Maître,

Savez-vous si un intimé qui n'a pas conclu au fond, ni soulevé un incident dans son délai 909 CPC, peut, pour la première fois après l'expiration dudit délai, soulever un incident tenant à la caducité de l'appel ?

Avez-vous des références d'arrêts tranchant cette question ?

Vous remerciant par avance de la réponse que vous pourriez apporter à mon interrogation.

M. B.

Bonjour,
Pour vous rendre service et sans être avocat, voici peut-être de quoi vous satisfaire :

«ayant laissé expirer le délai qui lui est imparti par l'article 909 du code de procédure civile pour conclure, l'intimé n'est plus recevable à soulever un moyen de défense ou un incident d'instance»
(Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 janvier 2016, 14-18.712, Publié au bulletin)

En cherchant un peu, on finit toujours par trouver :)