Par un avis du 12 juillet 2018 (Avis n° 15010 du 12 juillet 2018 - Deuxième chambre civile - (Demande d’avis n° T 18-70.008) ECLI:FR:CCASS:2018:AV15010), la Cour de cassation a estimé que "En application de l’article 905-1, alinéa 1, du code de procédure civile, l’obligation faite à l’appelant de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel.".

En application de l’article 905-1, alinéa 1, du code de procédure civile, l’obligation faite à l’appelant de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel.

Une solution assez inattendue, et nous pouvons nous interroger si le législateur avait effectivement eu à l'esprit de ne pas sanctionner cette absence de diligence procédurale par l'appelant.

Le motif retenu est intéressant, car il s'agit de l'article 6§1 de la Convention, alors que l'on sait que cet article est fréquemment écartée lorsqu'il s'agit d'apprécier la dureté de la procédure d'appel.

Cela sera de nature à motiver encore les parties qui se plantent à invoquer cet incontournable article 6.

Comment réagira le législateur ?

Cette lecture sera-t-elle entérinée, comme d'autres (irrecevabilité de l'intimé à refaire un appel s'il a loupé son appel incident, irrecevabilité des pièces, etc.), ou alors écartée (possibilité de refaire un appel pour l'appelant qui s'est loupé, conclusions aux fins de caducité suffisantes pour répondre au 909, etc.).

S'il s'agit de mettre des chausses-trappes dans la procédure d'appel, ce à quoi on ne doute pas, il n'est pas certain que la prochaine lecture ne modifie pas le 905-1 pour élargir cette sanction.

Bien entendu, ce qui vaut pour le 905-1 doit valoir également pour le 902.

Cette souplesse - provisoire ? - ne rend pas pour autant sans danger cette procédure d'appel qui continuera certainement à faire encore bien des dégâts dans nos troupes...

En attendant, il est préférable de conserver la pratique consistant à notifier l'acte d'appel à l'avocat - et au défenseur syndical - dans le délai de dix jours ou d'un mois. Il est préférable de conserver les bonnes habitudes pour éviter les problèmes.

Cela me fait penser à un incident récemment introduit dans lequel j'avais soulevé ce moyen à titre principal.

Mais heureusement - pour moi -, j'avais d'autres moyens de caducité et d'irrecevabilité à opposer à la consoeur, de sorte que l'incident pourra être maintenu nonobstant cet avis... qui ne fait pas mes affaires.

 

Edition du 7 septembre 2018 :

Bingo !

"Cela sera de nature à motiver encore les parties qui se plantent à invoquer cet incontournable article 6."

Ca n'a pas manqué !!!

Dans le cadre d'un déféré, dans lequel je suis en défense, l'appelant me sort l'avis du 12 juillet 2018 pour soutenir que la caducité encourue est... contraire à l'article 6 CEDH.

Je vais devoir lui répondre, et lui rappeler, que la Cour de cassation a précisé à plusieurs reprises que, d'une manière générale, le décret dit Magendie n'est pas contraire.

Mieux, dans le cadre du déféré, il est soutenu que l'obligation faite à l'appelant de signifier ses conclusions d'appel "a pour seul objectif de garantir le respect du principe du contradictoire".

Ben non ! Le décret a aussi pour objectif de planter des procès en appel.

Comment est-il possible d'avancer de tels arguments auxquels l'avocat ne peut pas croire. L'avocat ne peut croire que le magistrat est aussi ignorant des règles de procédure que son argument a des chances de faire mouche.

Ntttt, soyons sérieux !

On peut parfois plaider des thèses limites. J'ai en mémoire une thèse "audacieuse", imaginée pour les besoins d'une consoeur afin d'échapper à la caducité encourue par une consoeur. La thèse vaut ce qu'elle vaut, mais elle se tient, et n'est pas stupide pour autant.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Ce n'était pas l'esprit du texte, mais les pratiques en sont parfois éloignées, de cet esprit.

Il en est de même de ces procédures dans lesquelles il n'y a jamais de 902... donc pas d'obligation de signifier la DA... et avec une signification des conclusions qui fait courir un délai à l'égard d'une partie qui l'ignore...

Bien à toi.

CL

Mon cher Farid,

Je commence par la fin : je n'ai pas trouvé :-(

Pour le début, je te suis entièrement. L'avenir nous dira si nous avons vu juste...

Bien à toi,

C.

une balle de tennis....

bien à toi

... évidemment...

J'avais hésité à répondre "Madame", mais je me doutais bien que ce n'était pas la réponse...

Cher ami.

Cette avis est d'autant plus surprenant que si l´on analyse la strucutre du texte même de l´article 905-1 du cpc :

Lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

On ne peut s´empêcher de relever que la sanction de caducité est annoncée dans le texte dans un seul même membre de phrase et semble s´ appliquer aux obligations alternatives de notification de la DA ou de signification de celle ci, sans qu´il soit fait de distinction entre les deux cas.

Dès lors, je partage parfaitement ton avis, pas sûr que le législateur l´ait entendu de cette oreille et entérine l´avis de la Cour de Cassation. A suivre.

Enfin, j´ajouterai qu´il ne s´agit que d´un avis et qu ´il convient de rappeler que le Code de l´organisation judiciaire prévoit que les avis de la cour suprême n´engagent même pas la juridiction qui en a fait la demande.

Alors prudence!

Bien à toi.

Farid

ps : un peu d´exercice, attention à résoudre sans Internet!

Qu'est-ce qui peut être servi mais jamais mangé ?

Et que dire de cette même fixation dite du "circuit court" qui intervient après que l'appelant ait déjà conclu et assigné l'intimé en lui dénonçant sa déclaration d'appel et ses conclusions sans que ce dernier n'ait constitué Avocat dans le délai d'un mois voire même de 3 mois ???? Les délais d'audiencement étant longs auprès de ma Cour je suis confronté à cette situation parfaitement ubuesque....

Cher Confrère,

Je ne partage pas votre analyse. A mon sens, le législateur a entendu appliquer une gradation des sanctions suivant la négligence procédurale en cause.

Le défaut de signification de la déclaration d'appel à la partie intimée non constituée fait
que celle-ci n'aura pas connaissance de l'existence de l'instance d'appel avec en toile de fond le sacro-saint principe du contradictoire et plus largement le droit à un procès équitable.

Dès lors, la sanction prise à l'encontre de l'appelant défaillant se doit d'être sévère telle la caducité de la déclaration d'appel.

En revanche, si la partie intimée constitue avocat, cela signifie qu'elle a eu connaissance de
la déclaration d'appel notifiée par le Greffe et surtout qu'elle entend défendre utilement ses intérêts.

Cette déclaration d'appel dont la partie intimée est en possession sera logiquement remise à son Avocat.

Par conséquent, il me semble disproportionné de prononcer la caducité de la déclaration d'appel pour défaut de sa notification à l'avocat intimé constitué d'autant plus que ce dernier aura connaissance des chefs de jugement critiqués dès les premières conclusions de l'appelant.

VBDC

Francis PROTO