Un très intéressant arrêt que je ne commenterai pas longuement sur ce blog.

Non pas qu'il ne le mérite pas, bien au contraire,mais je sens qu'il devrait être largement commenté, et de manière plus approfondie que je ne le ferais ici.

L'arrêt, évidemment publié (Civ. 2e, 6 décembre 2018, n° 17-27.206), est le suivant :

« Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2017), que M. A a relevé appel le 14 décembre 2015 d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris qui l’a condamné à payer à la société La Banque Postale une certaine somme ; que M. A a fait parvenir ses conclusions à la cour d’appel le 29 mars 2016 ; qu’il a déféré à la cour d’appel l’ordonnance du conseiller de la mise en état ayant constaté la caducité de la déclaration d’appel sur le fondement de l’article 908 du code de procédure civile ;

Attendu que M. A fait grief à l’arrêt de le déclarer mal fondé en son appel contre l’ordonnance ayant constaté la caducité de sa déclaration d’appel, alors, selon le moyen, qu’étant un acte solennel n’existant que par ses mentions (celles prévues par l’article 901 du code de procédure civile), la déclaration d’appel n’existe qu’à compter de l’édition du fichier récapitulatif reprenant les données du message sous forme de fichier au format XML prévu par l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 et que c’est à compter de cette date seulement que s’écoule le délai imparti à l’appelant pour conclure, sous peine de caducité de la déclaration d’appel ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 908 du code de procédure civile par fausse application, ensemble les articles 2, 3, 4, 5 et 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel ;

Mais attendu qu’ayant relevé que l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011, selon lequel le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque, conformément à l’article 748-3 du code de procédure civile, un avis de réception par les services du greffe auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message tenant lieu de déclaration d’appel, ne remet pas en cause le point de départ du délai imparti par l’article 908 du code de procédure civile à l’appelant pour conclure, qui court à compter de la remise au greffe de la déclaration d’appel et non de l’édition du fichier récapitulatif reprenant les données du message de l’appelant, la cour d’appel en a exactement déduit que l’ordonnance ayant constaté la caducité de la déclaration d’appel devait être confirmée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; »

 

Lorsqu'une partie a déclaré appel, elle déclenche son délai pour conclure de l'article 908. C'est ce qu'il faut retenir de cet arrêt publié.

C'est cette déclaration d'appel, au sens de diligence procédurale, qui fait courir le délai de trois mois de l'article 908.

Peu importe si la déclaration d'appel, en tant qu'acte de procédure, est généré postérieurement, dans les conditions prévues à l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011.

La partie qui a essuyé la caducité soutenait la thèse consistant à assimiler la diligence procédurale et l'acte de procédure concrétisant cette diligence.

C'est subtil, mais ça n'a pas passé.

La déclaration d'appel, diligence procédurale, n'est pas la déclaration, acte de procédure

Avec la communication par voie électronique, l'appel est déclaré, quand bien même l'acte d'appel au sens procédural n'existe pas encore.

Les points de procédure sont extrêmement intéressants.

Il y a tant à dire sur cet arrêt qui en dit davantage qu'il n'en donne l'air !

Je verrais bien une universitaire du nord de la France nous faire un beau commentaire sur cette très intéressante question...

 

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Du même acabit, la signification 902 qui porte sur l'acte d'appel matériel du greffe de la Cour et non sur l'acte d'appel matériel de la partie appelante...

Pour quelle raison ? Allez savoir...

La méprise semble être liée au fait que le modèle physique de la déclaration d'appel fait apparaître 3 dates :

La date de réception de l'appel,
La date d'enregistrement dudit appel
La date de l'acte qualifié de "déclaration d'appel" comportant le rappel des délais (qui est la même que la date d'enregistrement)

C'est la date de réception de l'appel qui prévaut pour la computation des délais...

On peut cependant légitimement se demander pour quelle raison obscure l'acte comporte par deux fois une date qui intéresse personne...

Sur un appel régularisé le vendredi 01 mars 2019, l'enregistrement sera effectué le lundi 04 mars 2019.... et le secrétariat de noter le délai 908 au 04 juin 2019, prenant en compte la date figurant par deux fois sur la déclaration d'appel....

Il eut été préférable de dater l'acte de déclaration d'appel du jour de sa réception en non de son enregistrement...

Vous avez raison, l'intérêt de mentionner la date de l'enregistrement n'est pas flagrant...

Le commentaire de l'arrêt par Mme Bléry est très intéressant. Il comporte néanmoins à mon avis une erreur qui est d'importance et qui justifiait également le pourvoi. Mme Bléry indique dans son commentaire que:

"Remarquons au passage que les mentions de l'acte d'appel, celles prévues à l'article 901, figurent dès l'envoi du fichier XML et non pas seulement lors de l'édition du fichier récapitulatif comme semblait le dire le pourvoi".

Or, l'article 901 dispose:

"La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible."

Or, justement, le fichier XML ne comporte pas la mention de l'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté.

C'est pour cette raison que ce fichier XML ne peut pas être la déclaration d'appel au sens de l'article 901 CPC. C'est d'ailleurs pour cette raison que seule la déclaration d'appel rematérialisée par le Greffe peut être signifiée à l'appelant défaillant puisque seul ce document comporte toutes les mentions obligatoires.

La Cour de Cassation adopte donc à mon sens une position qui n'est pas tenable sauf à ce que les mentions figurant sur le fichier XML soient modifiées.

Ah?
Juste un peu de patience ;)