Une décision publiée, intéressante à bien des égards.

Elle concerne la communication des pièces.

Dans le cadre d'un appel, l'appelant se trouve sans un représentant pour la partie intimée.

La Cour d'appel a écarté des débats certains pièces contenues dans le dossier remis. Il est reproché à l'appelant de ne pas avoir communiqué les pièces, et d'avoir remis des pièces qui n'étaient pas visées dans le bordereau.

La cassation était à mon avis inévitable.

Comme j'ai souvent l'occasion de le dire en formation, "des pièces, ça se communique" (voir aussi cet article de 2014 ici).

En d'autres termes, il faut avoir un avocat - ou un défenseur syndicat en matière prud'homale - pour effectuer une telle communication. A défaut, il n'y a pas lieu à communication, étant rappelé qu'aucun texte ne prévoit, en appel, une signification des pièces.

D'une manière générale, lorsque la partie doit effectivement signifier ses pièces, le texte le précise. Ce sera le cas devant le tribunal d'instance, car cela est prévu à l'article 847.

Mais en dehors de ces rares cas, il n'y aura pas lieu à signification. Il en est aussi ainsi devant le premier président, lorsqu'est demandé l'arrêt de l'exécution provisoire : pas de signification des pièces avec l'assignation.

Si la partie veut obtenir les pièces de son adversaire, en appel, il lui appartient de se faire représenter.

C'est ce que dit la Cour de cassation, qui considère que « l’appelant n’est pas tenu de communiquer ses pièces à l’intimé qui n’a pas constitué avocat » (Cass. 2e civ., 6 juin 2019, n° 18-14.432, Publié au bulletin).

Et alors, une communication pourra être effectuée, par toute manière, notamment par RPVA, clé usb, recommandé, par porteur et même le pigeon voyageur sera admis. Il faudra juste un bordereau visé pour attester de cette communication.

Et même encore, et c'est là le deuxième apport de l'arrêt.

Qu'en est-il des pièces pour lesquelles la partie n'a pas un bordereau visé ? Et même si les pièces ne sont même pas visées sur un bordereau ?

Pour la Cour de cassation, « la circonstance que des pièces produites ne figurent pas au bordereau récapitulatif n’autorise pas le juge à les écarter des débats ».

Cela renvoie à cette ancienne jurisprudence de la Cour de cassation estimant que des pièces visées dans les conclusions étaient acquises aux débats, en l'absence même de toute communication.

En tout état de cause, la partie, si elle a en principe l'obligation de viser toutes les pièces invoquées, dans un bordereau récapitulatif, ne sera pas sanctionnée si elle ne le fait pas.

Son adversaire, de toute manière, devra être représenté pour obtenir les pièces. Et si cette partie représentée estime qu'il existe une difficulté concernant des pièces, visées dans les conclusions mais non communiquées, il lui appartiendra d'en demander la communication, et le cas échéant d'élever un incident de communication.

Si la partie ne conteste pas l'effectivité de cette communication, elle ne saurait s'en prévaloir ultérieurement, notamment dans le cadre d'un pourvoi, pour contester cette communication.

Cela rappelle aussi un récent arrêt, dont le visa était le 912, mais pour lequel il existait une double lecture concernant la communication de pièces, et surtout lorsque la partie n'avait élevé aucune contestation concernant la communication.

 

Cet arrêt confirme que les pièces, et la communication des pièces, est vraiment le point "no stress" de la procédure d'appel.

D'ailleurs, nous pouvons souligner que le Code ne consacre aucun titre, aucun chapitre, à cette communication.

Il existe juste un alinéa 2, à l'article 961, qui précise que "La communication des pièces produites est valablement attestée par la signature de l'avocat destinataire apposée sur le bordereau établi par l'avocat qui procède à la communication".

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Je suis d'accord.

L'article 132, qui fait partie des dispositions communes, est applicable dans les procédures sans représentation obligatoire.

Merci à vous.

Presque d'accord !

L’article R.311-6 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution ainsi libellé « La communication des conclusions et des pièces entre avocats est faite dans les conditions prévues par l'article 815 du code de procédure civile. […] ».
Si en matière de saisie immobilière le ministère d’avocat est obligatoire devant le TGI , il n’en demeure pas moins qu’il ressort de ce même article, que la communication des conclusions au débiteur qui n'a pas constitué avocat doit intervenir par voie de signification.
...et il en va de même de la communication des pièces.

Bien cordialement

D'accord avec tout cela, étant précisé (ce qui ne ressort peut-être pas avec évidence du commentaire s'il est lu trop vite) que tout cela ne vaut que pour la procédure avec représentation obligatoire.
Dans les procédures sans représentation obligatoire, la partie non représentée bénéficie des termes de l'article 132 et son contradicteur doit exécuter spontanément son obligation de communication de chaque pièce dont il fait état.
Il me semble.

Réciproquement,

Dans une procédure devant la cour d'appel avec représentation obligatoire, l'appelant est-il dispensé de communiquer ses pièces à l'avocat constitué par l'intimé s'il déjà communiqué ses pièces directement à l'intimé avant qu'il ne constitue avocat ?

Dans une procédure orale sans

Dans une procédure orale sans représentation obligatoire (procédure JAF de première instance), comment s’assurer que le dossier remis au juge par l’avocat adverse durant l’audience est identique en tous points (conclusions, bordereau de pièces et pièces elles-mêmes) au dossier que celui-ci a remis à mon avocat ? La question est pleinement justifiée au regard des pratiques adverses avérées (certaines pièces adverses ne lui ayant été communiquées qu’après l’audience, mon avocat va solliciter du juge une rouverture des débats au titre de l’article 444 du CPC).