Encore du haut vol dans cet arrêt de cour d'appel du 2 juillet 2019 dont je prends connaissance.

Je lis que "les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile ne sont pas sanctionnés par une fin de non-recevoir de sorte que le moyen n'est pas fondé".

Ben voyons !

Que ce soit des étudiants, voire des avocats débutants qui sortent ce genre d'ineptie, on peut l'admettre. Mais de la part de magistrats qui ont de la bouteille, ça laisse songeur...

Comment expliquer une telle prise de position ?

La première explication serait que le magistrat est nul en procédure, ce qui explique qu'il puisse affirmer ce genre de chose.

Ne souhaitant y croire, j'émets une seconde hypothèse.

Le magistrat n'a pas souhaité encourir une cassation sur un moyen de procédure, de sorte qu'il a rejeté le moyen de procédure émis par la partie à laquelle il est donné satisfaction sur le fond.

Ainsi, pas de risques que celui qui gagne au fond fasse un pourvoi sur ce moyen de procédure.

C'est souvent de cette manière que les juges procèdent pour les problème de rejet de pièces par exemple : on admet les pièces tardives de la partie qui succombe, ou alors on les rejette lorsque cette partie obtient satisfaction sur le fond.

Ce genre de pratique peut se comprendre, d'une certaine manière.

Mais le côté obscur d'une telle prise de position est que le juge peut sortir des décisions totalement aberrantes. Et pourtant, il n'y aura pas de cassation.

Allant plus loin, ces arrêts seront invoqués par des avocats, notamment dans le cadre d'incident, et on les brandira comme étant la jurisprudence.

Donc, à plus ou moins long terme, c'est néfaste, car ça construit une jurisprudence qui n'a pas de sens.

C'est bien la raison pour laquelle je considère que la seule jurisprudence qui vaille, en procédure civile, est celle qui émane de la Cour de cassation, et plus précisément de la deuxième chambre. Et ça, je le dis, je l'écris, je le plaide.

Pour en revenir plus précisément au problème de procédure qui était posé, c'est un point que j'aborde souvent lors des formations, dans des consultations, dans des conclusions et bientôt sur d'autres supports.

Et je maintiens, même si cela peut paraître prétentieux, que j'ai raison.

Et je peux d'autant plus le dire que la Cour de cassation de cassation l'a déjà dit, même si c'était avant le décret du 6 mai 2017.

Au visa de l'article 562, la Cour de cassation a considéré que l'appelant, qui a limité son appel principal à certains chefs du jugement, n'était pas recevable à former ensuite un appel général... et ça, c'était en... 2002. Et ce qui était vrai avant, l'est encore aujourd'hui, et ce n'est certainement pas le décret du 6 mai 2017 qui changé la donne, bien au contraire.

Je n'ai pas ajouté le terme "recevable", c'est celui usité par la Cour de cassation. Donc, c'est bien une fin de non-recevoir.

Il faut rappeler, et ça c'est ce que l'on enseigne en première année de procédure civile, que la Cour de cassation, en 2003, a précisé que l'article 122 du CPC n'est pas exhaustif, et qu'il y a des irrecevabilités même lorsque le texte ne précise pas la sanction. Si l'on connaît le principe "pas de nullité sans texte", cela ne s'applique pas pour les irrecevabilités, lesquelles se nichent partout où la Cour de cassation veut les mettre. Ainsi en va-t'il par exemple des clause préalable de conciliation, sanctionnée par une irrecevabilité... qu'au demeurant on ne peut pas régulariser.

Donc, le magistrat, en voulant peut-être éviter la tentation d'un pourvoi sur un problème de procédure, a rendu une décision dont il n'y a pas de quoi être fier...

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour Frédéric,

Comme j'aimerais ne pas partager ton avis...

Bien à toi,

C.

Les décisions de cour d'appel sont de plus en plus mal motivées et aberrantes, même sur le fond. Quant à la pratique qui consiste à bricoler de cette manière est vraiment détestable !

Bonjour

Pouvez vous svp donner les références de l'arrêt merci d'avance

Bonjour,

Mais la 2ème chambre civile en date du 20/12/2017 par avis n°17-019-17020 et 17-021 a considéré qu'il ne résultait pas de l'article 562 une fin de non recevoir...

le juge d'appel se serait il basé la dessus?