La Cour de cassation vient de rendre un arrêt intéressant.

J'avoue ne m'être jamais posé la question...

... mais c'est aussi parce que ce cas de figure ne devrait jamais exister.

Une partie fait appel.

Elle signifie son acte d'appel, puis, par un autre acte, ses conclusions, à l'intimé défaillant.

Mais lorsque cette partie appelante procède à cette diligence procédurale, elle n'a pas encore remis ses conclusions au greffe de la cour.

Postérieurement à cette signification de l'acte d'appel et des conclusions, l'intimé constitue avocat.

L'appelant lui notifie alors les conclusions, qui sont alors également remises au greffe de la cour.

La décision de la deuxième chambre de la Cour de cassation est la suivante (Cass. 2e civ., 26 sept. 2019, n° 18-21.116) :

« Vu les articles 908, 909 et 911 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que le délai ouvert à l’intimé pour conclure ne commence à courir qu’à compter de la notification des premières conclusions d’appelant qui ont été remises au greffe et que le destinataire de cette notification est l’avocat de l’intimé s’il est alors déjà constitué ;

Attendu que, pour dire que les conclusions de l’intimée en date du 12 juillet sont tardives et en conséquence irrecevables, de même que la communication de pièces du 11 juillet qu’elles visent, l’arrêt retient que l’intimée disposait d’un délai pour conclure expirant le 10 juillet 2017, peu important qu’elle ait constitué avocat le 11 mai 2017, l’appelante n’étant pas obligée de procéder à une nouvelle notification de ses conclusions ;

Qu’en statuant ainsi, tout en constatant que les conclusions d’appelante n’avaient été déposées au greffe que le 16 mai 2017, de sorte qu’ayant été notifiées simultanément à l’avocat alors constitué pour Mme V…, le délai pour y répondre courait à compter de cette date, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

Relisez encore 3 ou 4 fois, au moins, pour comprendre car ce n'est pas très limpide.

Pour faire simple, de ce que j'en ai compris, les conclusions notifiées dans le cadre du 911 doivent être les conclusions préalablement ou simultanément remises au greffe de la cour.

Tant que les conclusions n'ont pas été remises au greffe, la notification des conclusions ne fait pas courir le délai 909.

Pourquoi ? J'en sais rien !

Cela étant, qui a déjà notifié des conclusions qu'il n'avait pas préalablement ou simultanément remises au greffe ???

Cet arrêt, non publié, est donc intéressant sur le plan procédure, même si à froid je ne perçois pas bien la logique procédurale... mais je ne désespère pas d'avoir un jour le déclic...

Quoi qu'il en soit, je pense qu'il ne s'agira pas d'une arrêt qui sera souvent invoqué dans le cadre d'un incident.

Mais il est toujours intéressant à connaître, au cas où.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Mon Cher Confrère,

Et voici que je suis confronté à une autre bizarrerie :

En circuit court, l'appelant remet ses conclusions d'appel dans le mois de l'avis du Greffe, mais ne les notifie à mon postulant que 26 jours plus tard, alors même qu'il était déjà constitué.

Avec le RPVA, comment peut-on remettre des conclusions au greffe le 11 mars 2020 sans que, automatiquement, elles ne soient notifiées à l'intimé constitué depuis le 28 février 2020 ?

Réponse du Président de la Chambre après le confinement !

Bien confraternellement,

Mon cher confrère,

Effectivement, c'est curieux...

Mais en procédure, surtout d'appel, on ne s'étonne plus de rien.

Tout est possible !

Vous nous tiendrez au courant ?

Bien confraternellement,

CL

La logique est dans la rédaction de la première phrase de l'article 911:"Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. ".
C'est donc la situation au moment de la remise au greffe des conclusions qui détermine le mode de notification.
Dans les procédures avec représentation obligatoire, priorité est donnée à l'avocat. Ce n'est donc que si aucun avocat n'est constitué au moment de la remise au greffe des conclusions de l'appelant que la signification a partie devient un mode valable de notification.
C'est d'ailleurs pour cette raison que la Cour de cassation, dans son avis du 6 octobre 2014, avait bien pris la peine de préciser que "Dans la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d’appel, LORSQUE L'APPELANT A REMIS SES CONCLUSIONS AU GREFFE, dans le délai de trois mois fixé par l’article 908 du code de procédure civile, ALORS QUE L'INTIMÉ N'AVAIT PAS CONSTITUE AVOCAT, la notification de ces conclusions à l’intimé faite dans ce délai ou, en vertu de l’article 911 du même code, au plus tard dans le mois suivant son expiration, constitue le point de départ du délai dont l’intimé dispose pour conclure, en application de l’article 909 de ce code".
Car les conclusions sont celles remises au greffe et notifiées selon les modalités prévues à l'article 911...

Cher Christophe

Je souscris à l'analyse de astap66 et j'y ajouterai qu'il apparaît logique que ce soient les conclusions, et seulement celles là, qui remises à la Cour lorsqu'elles sont signifiées à l'intimé défaillant, constitue le point de départ de son délai pour conclure; En effet, les conclusions de l'appelant saisissent la cour de ses demandes et ç'est à ces demandes là que l'intimé doit répondre dans son délai. Le point de départ du débat entre les parties et le débat lui même, est donc fixé par les conclusions de l'appelant et uniquement par celles remises à la cour. A défaut, il conviendrait d'admettre que les parties puissent commencer à débattre alors même que la cour n'est saisie de rien.

Bien à toi

ps : la mécanique quantique nous apprend qu'il existe un ordre dans l'organisation de la matière, la procédure suit le même principe, sauf bien sûr hypothèse du chat de Schrödinger; -))