Etonnant que cet arrêt de cassation qui, pour des raisons assez étonnantes, sauve l'appelant d'une caducité pourtant incontestable.


Une partie appelante, dans le cadre d'une affaire relavant du circuit ordinaire, omet de régulariser ses conclusions dans son délai.

Peu après que l'appelant ait conclu - tardivement et hors délai - l'affaire est orientée en circuit court. Il est précisé ici qu'il ne s'agissait pas d'un circuit court de droit, mais d'une décision d'orientation en raison de l'urgence... une urgence tellement urgente qu'il aura fallu attendre plusieurs mois, et des conclusions tardives...

Franchement, je ne connais pas l'affaire, mais ça sentait déjà le rattrapage de procédure mal barrée. Le président fait un cadeau à l'appelant qui a zappé son délai pour conclure.

L'intimé - et j'aurais fait la même chose - saisi le président de la chambre pour qu'il se prononce sur la caducité.

Contre toute attente - mes attentes en tous les cas -, la Cour de cassation casse l'arrêt, estimant que « que la demande de caducité était irrecevable pour avoir été présentée postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état résultant de l’orientation de l’affaire en circuit abrégé, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » (Cass. 2e civ., 27 févr. 2020, n° 19-11.310).

L'orientation en circuit court, avec dessaisissement du conseiller de la mise en état avait en quelque sorte purgé la procédure, et effacé cette caducité encourue.

Soulignons néanmoins que nous sommes sous les dispositions d'avant le décret du 6 mai 2017. Le président n'avait alors aucun pouvoir juridictionnel, et il n'y avait au demeurant pas de délai pour conclure.

Mais la solution serait-elle différente aujourd'hui ?

J'en doute.

Si un conseil peut être donné, c'est de ne pas tarder pour soulever une caducité.

Il faudrait donc prévoir des agendas, et dégainer immédiatement pour saisir le CME si l'appelant commet une erreur.

Et pour l'appelant, il lui est conseillé, s'il constate qu'il est en difficulté pour avoir loupé une marche, de demander au président l'orientation de son affaire en circuit court pour purger la procédure.

Personnellement, je ne suis pas vraiment convaincu par l'arrêt de cassation.

Bien entendu que le conseiller de la mise en état était dessaisi.

Mais faut-il alors que l'intimé exige que l'affaire soit à nouveau (dés)orientée en circuit ordinaire pour saisine du conseiller de la mise en état ?

Quelque chose m'échappe dans cette solution très favorable à l'appelant défaillant.

De plus, c'est en définitive l'avocat de l'intimé, qui n'a pas dégainé assez vite, qui va voir sa responsabilité engagée alors que c'est l'appelant qui a fauté ! Shocking !

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

C'est un malheureux concours de circonstances qui a permis cette situation , l'intimé qui tarde à dégainer le moyen de caducité, la passivité du Conseiller de la mise en état qui ne rend pas une ordonnance de caducité précédée de l'avis de caducité communiquée aux parties, et le Président de juridiction qui décide après plusieurs mois d'instruction de l'affaire en circuit long de la renvoyer en circuit court. Cela en fait une situation exceptionnelle.

Ce changement de circuit est motivée par l'urgence. Si l'urgence est apparue en cours d'instruction, pourquoi pas, mais si elle existait dès la mise en circuit long, ce soudain placement en circuit court ne se justifie plus "l'urgence n'étant plus urgente". S'agissant d'une mesure d'administration la décision de changement de circuit ne pouvait être contesté par la voie d'un recours mais aurait tout de même mérité des observations de l'intimé au Président.

Enfin quid de la décision du changement de circuit après que le Conseiller de la mise en état ait communiqué aux parties un Avis de caducité, dans cette hypothèse le cadeau fait à l'Appelant aurait été flagrant.

Cher Maître,

Je crains que votre pourvoi ne soit rejeté car vos conclusions en irrecevabilité des conclusions de l'intimé interviennent après dessaisissement du CME résultant de la procédure à bref délai 905 du CPC.

A cet égard, il est étonnant que le CME ait pu s'autoriser une "survie" nonobstant son dessaisissement en jugeant de la recevabilité des conclusions de l'intimée.

Dorénavant, vous saurez qu'il faut faire valoir l'ensemble de ses moyens d'incident avant de solliciter une fixation de la procédure dans un circuit abrégé dépourvu de CME.

Bien cordialement

Cher Confrère, bonjour,
Cette jurisprudence est intéressante pour l'appelant mais qu'en est-il pour un intimé qui n'a pas constitué devant la Cour qui a été régulièrement assigné et qui n'a pas conclu dans son délai ouvert par l'article 909 du CPC ? L'appelant s'impatiente que son affaire reçoive une fixation ... plusieurs demandes de fixation en vain auprès du CME. Puis, de guerre lasse, l'appelant dépose finalement une requête en fixation prioritaire histoire d'accélérer la procédure d'appel qui s'éternise avec un intimé défaillant. La Cour accède enfin à la demande de fixation et délivre un avis de fixation 905 du CPC. L'appelant afin (uniquement) de se conformer à cet avis assigne à nouveau l'intimé défaillant qui cette fois, constitue et conclu alors qu'il est censé ne plus pouvoir conclure puisque son délai 909 est expiré depuis belle lurette ... Saisine du CME aux fins d'irrecevabilité des conclusions de l'intimé ... Ordonnance d'incident qui déclare recevable les conclusions de l'intimé et sur déféré, la Cour confirme l'ordonnance d'incident. Je m'interroge sur l'opportunité d'un pourvoi contre cet arrêt de déféré. Mais, vu cette jurisprudence de la Cour de cassation, je crains qu'on vienne (encore) m'opposer la purge de la précédente procédure par l'effet de l'orientation en circuit-court ... Qu'en pensez-vous ? D'avance, je vous en remercie.
VBD