La péremption, cet incident d'instance tant redouté par les avocats, est l'objet de cet arrêt de cassation.

Cette péremption, nous dit l'article 388 du CPC, est demandée ou opposée avant tout autre moyen.


Je vous livre l'arrêt de la Cour de cassation qui est l'application de cette disposiiton (Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 18-15.383) :

« Réponse de la Cour
Vu l’article 388 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ce texte que la péremption de l’instance doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.
8. Pour déclarer recevable l’exception de péremption d’instance opposée par la CNMP et constater l’extinction de l’instance par la péremption, l’arrêt retient qu’il résulte de la combinaison des articles 388, 562 et 954 du code de procédure civile que la demande régulièrement présentée en première instance peut être reprise en cause d’appel jusqu’aux dernières conclusions.
9. En statuant ainsi, alors que, dans ses premières conclusions, la CNMP arguait de deux fins de non-recevoir et, subsidiairement, contestait au fond le montant de la créance, la péremption d’instance n’étant soulevé que dans des conclusions déposées ultérieurement, la cour d’appel, qui était tenue de relever d’office l’irrecevabilité de cet incident, a violé le texte susvisé.
»

Hors de question d'invoquer autre chose que la péremption, laquelle passe avant tout le monde, sans avoir à faire la queue.

Cet arrêt est l'occasion de souligner que l'article 388 n'est aps rédigé comme l'est par exemple l'article 73.

On ne parle pas, dans 388, de défense au fond ou fin de non-recevoir. C'est plus restrictif : "avant tout autre moyen".

Avec l'article 73, ce sont les défenses au fond et les fins de non-recevoir qui passent ensuite. Mais rien n'empêche d'invoquer une caducité, par exemple, qui est un incident d'instance et qui n'est donc ni une défense au fond ni une fin de non-recevoir.

L'utilisation excessive des termes "in limine litis", sans plus savoir quoi y mettre, risque de tout mélanger, et de mettre 388 et 73 sur le même plan.

Mais ils sont diférents dans leur application.

L'article 73 est moins restrictif que l'article 388.

Mais qui les distingue ?

Lors d'une interrogation surprise, je pense que nous aurons beaucoup de réponses pour dire que la péremption, tout comme les exceptions de procédure, doivent être soulevées in limine litis. Une fois que l'on a dit ça, on a pas tout dit, et cela mérite d'aller un peu pus loin dans la réflexion...

 

Auteur: 
Christophe Lhermitte

Commentaires

"la péremption, tout comme

"la péremption, tout comme les exceptions de procédure". Je n'ai jamais compris cette obstination à vouloir généraliser le régime des exceptions de procédure quand il y a autant de dérogations que de principe.

En effet, n'y a-t-il pas, parmi les 6 exceptions de procédure nommées comme telles par le code, que 3 d'entre elles qui doivent être invoquées "avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir" ? Litispendance, incompétence, nullité de forme (et encore pour celles-ci, au fur et à mesure que les actes irréguliers sont accomplis). En revanche, nullités de fond et connexité s'invoquent en tout état de cause, tandis que les exceptions dilatoires ont un régime tributaire de la cause de suspension.

Donc il n'y a finalement que très peu de moyens de défense qui doivent être invoqués aux portes du procès ? On pourrait au contraire soutenir que la péremption est stricto sensu le seul moyen devant être invoqué in limine litis, sitôt la porte franchie, et donc avant tous les autres.

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Vous avez parfaitement raison

Vous avez parfaitement raison.

On met du "in limine litis" partout pour éviter les difficultés, alors qu'en définitive, rares sont les moyens qu'il faut présenter avant tout autre moyen, ou avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Le terme même "in limine litis", comme vous le soulignez, est utilisé bien souvent à mauvais escient, comme l'expression latine pour "avant toute défense au fond et fin de non-recevoir", ce qui est inexact. 

Le problème est qu'à force d'abuser de ce "in limine litis", on perd la distinction entre ce qui doit l'être et ce qui ne doit pas l'être.

Il en va de même des délais. A force de s'ajouter des jours de sécurité, on ne sait même plus compter pour savoir précisément quel est le dernier jour "en vrai".

 

Bonjour,

Bonjour,

Je comprends que la péremption doit être soulevée pâr les parties avant tout autre moyen, mais qu'en est-il du juge?

Le juge ne doit-il pas vérifier avant tout la régularité de sa saisine et donc sa compétence?

Et pour aller plus loin, et c'est le point qui m'intéresse, le juge qui fait droit à l'exception de péremption ne doit-il pas être considéré comme ayant implicitement mais nécessairement retenu sa compétence?

 

Portrait de Christophe Lhermitte

Sur cette péremption relevée

Sur cette péremption relevée d'office, il y a peu de jurisprudence à ce jour.

Les conditions devront être précisées.

Ainsi, ce relevé d'office sera-t-til possible en tout état de cause ? Si les parties y ont renoncé, implicitement ou explicitement, le juge peut-il le relever ?

Tout cela n'est pas évident, et dès lors que le procès est la chose des parties.

Nous verrons ce qu'en dira la Cour de cassation lorsqu'elle sera saisie de la question.